L'Azulejo au Portugal
Il est courant d’identifier l’azulejo au Portugal. Il est vrai que, depuis plus de cinq siècles, du début du XV° siècle à notre époque, l’azulejo a connu un développement continu au Portugal. Plus que dans aucun autre pays il a investi avec une grande ampleur tous les monuments.
« Azulejo » est le mot portugais qui désigne un carreau de céramique dont une des surfaces est décorée et vitrifiée. L’emploi de ce type d’azulejo est commun à d’autres pays, notamment l’Espagne, l’Italie, l’Iran, le Maroc, la Turquie. Cependant l’azulejo occupe au Portugal une place toute particulière : revêtements muraux, sols, plafonds, marches, fontaines, bancs, parterres, devants d’autel ou façades de monuments.
La tradition islamique
Du début du XV° au milieu du XVI° siècles, l’azulejo est importé notamment de Turquie, il est surtout utilisé pour recouvrir les sols.
Vers 1500, le roi Manuel Ier fait venir de Séville de grandes quantités d’azulejos pour les décors muraux du palais de Sintra, dans la tradition hispano-mauresque. Les panneaux colorés présentent des motifs géométriques et végétalistes et la sphère armillaire emblème personnel de don Manuel :
palais de Sintra
Les influences italiennes et flamandes
Au XVI°siècle, des céramistes italiens s’installent en Flandres, ils utilisent la technique de la majolique pour peindre directement sur l’azulejo, ils reproduisent des motifs maniéristes et des thèmes de l’antiquité classique.
paneau Notre Dame de la Vie - musée de l’azulejo Lisbonne
En 1558, le duc de Bragance commande à Anvers des azulejos pour son palais de Vila Viçosa. En même temps, les premiers artisans flamands s’installent au Portugal et créent leurs propres ateliers. L’azulejo commence alors à prendre une place importante dans la décoration des églises pour faire des retables ou décorer les murs
Détail tête d’ange - Coimbra
L’azulejo est utilisé comme une marque d’identité tout le temps de la dépendance à l’Espagne (1580- 1667).
Apres la fin de la guerre d’indépendance en 1667, la noblesse s’empare de l’azulejo comme marque de sa puissance retrouvée, le palais des marquis de la Fronteira à Lisbonne en est un bon exemple :
palais des marquis de la Fronteira- Lisbonne
L’azulejo fait en série
C’est au début du XVII° siècle que commence le triomphe de l’azulejo. Progressivement, la polychromie avec les jaunes, verts et bruns sera remplacée par le bleue sur fond blanc, due à l’influence hollandaise et au goût pour la porcelaine orientale.
Église du couvent dos Loios (pousada) – Arraiolos
Tout au long du XVII° siècle, les artistes dont un des plus célèbre est Gabriel del Barco, ayant acquis la maîtrise des techniques de la perspective et de l’éclairage, créent un langage pictural avec la dominante des bleus qui jouent avec l’or des autels en bois sculpté (talha dorada). On distingue par convention la période dite du « cycle des maîtres » dominée par Antonio et Policarpo de Oliveira Bernardes de 1700 à 1740 (la cathédrale de Braga, l’église São Lorenço à Almancil, monastère de são Vicente de Fora à Lisbonne), suivie par la période dite de la « grande production » avec Teotonio dos Santos (le cloître de la cathédrale de Porto), Batolomeu Antunes et Nicolau de Freitas qui travaillent aussi au Brésil, notamment à Bahia.
Les artistes portugais transposent sur l’azulejo, en les mêlant à la symbolique catholique, des gravures ornementales venues d’Europe, les « grotesques »- motifs profanes de la Rome antique récupérés par le peintre Raphaël, les « indiennes »- tissus exotiques imprimés en provenance des Indes.
Ainsi les artistes répondent à de nombreuses commandes de scènes religieuses pour l’Eglise et profanes pour la noblesse.
La grande production
Au XVIII° siècle, pendant le règne de don João V (1706-1750), la production d’azulejo connaît un de ses plus fort développement, due également aux commandes en provenance du Brésil. A cette période correspond notamment la fabrication de grands panneaux narratifs : grandes scènes religieuses (le couvent de são Bernardo à Portalegre), de guerre, de chasse, scènes bucoliques, de panneaux répétitifs de vases de fleurs (albarradas).
Le rococo
Le tremblement de terre de 1755 et la reconstruction de Lisbonne dirigée par le marquis de Pombal, n’arrêtent pas l’utilisation de l’azulejo. En 1767, une manufacture royale est crée au Rato à Lisbonne. C’est la grande époque de l’azulejo rococo où la dominante traditionnelle du bleue est concurrencée par une polychromie raffinée comme au palais de Queluz.
Palais de Queluz
Les panneaux montrent des scènes galantes et bucoliques inspirées des gravures de Watteau.
Ce style se retrouve dans les « registos », petits panneaux de dévotion placés sur les façades des maisons pour se protéger des catastrophes.
Les façades en azulejo
Après le début du XIX° siècle troublé par l’invasion française, la fuite de la cour au Brésil et les luttes civiles, on assiste vers 1830 à une nouvelle utilisation de l’azulejo. La production se développe de manière industrielle et son utilisation se généralise pour recouvrir les façades des églises comme l’église des âmes à Porto, ce qui va donner à l’urbanisme du Portugal une marque tout à fait original. Les façades composées d’azulejos en série, les embrasures des portes et des fenêtres constituent des éléments fondamentaux de l’identité urbaine portugaise notamment à Porto, Ovar considéré comme la ville -musée de l’azulejo, Lisbonne ou Lamego.
chapelle des âmes –Porto
Le XX° siècle
Au XX° siècle, l’azulejo est intégré dans l’architecture et l’urbanisme : panneaux figuratifs dans les rues, décoration de nombreuses gares dont la plus connue est la gare de são Bento à Porto. L’art nouveau l’utilise pour de nombreuses frises sur les façades. Il s’adapte aux rénovations (jardin du palais des marquis de la Fronteira), aux réhabilitations, aux transformations urbaines et aux grands projets contemporains (décor des stations de métro de Lisbonne) et aussi comme support dans la publicité.
L’azulejo reste l’expression authentique et toujours vivante de l’âme d’un peuple d’artistes, d’artisans, d’architectes et d’urbanistes qui l’intègre dans les nouveaux langages esthétiques du monde contemporain.
L’azulejo dans le nord Alentejo
Comme partout dans le Portugal, l’azulejo est très présent dans le nord Alentejo.
Il n’y a pas une église ou chapelle, pas une quinta, palais, château, ou monument public administratif sans azulejo.
Sur les murs les azulejos racontent l’histoire des saints, des apôtres, des rois et des reines (la chapelle de la reine Isabel à Estremoz), des épisodes de la bible, des scènes de bataille (la bataille de Aloteiros à Sousel), des scènes de la vie quotidienne.
Toutes les gares du nord Alentejo sont décorées. La gare de Marvão-Beirã à la frontière espagnole accueille les voyageurs en présentant de nombreux monuments célèbres du Portugal.
A la Gare de Marvão : vue de la tour de Belem
Partout, les azulejos décorent les bancs publics, les fontaines, les escaliers, les marchés couverts. Sur les murs des rues, sur les façades sont installées des panneaux décoratifs (des scènes de la vie à la campagne à Portalegre, le chemin de croix à Crato), des registos près des portes des maisons, des plaques toponymiques au coin des rues.
Les azulejos sont présents partout.
En guise de conclusion
L’une des expressions les plus significatives de la culture portugaise est certainement l’azulejo. Les portugais sont attentifs à valoriser ce patrimoine. Cet article ne prétend pas être exhaustif, il présente un bref historique du développement de l’azulejo au Portugal.
Avant tout, nous souhaitons vous inciter à vous promener en regardant partout, à vous laisser surprendre par un azulejo.
A Lisbonne allez visiter le musée national de l’azulejo.
Puis, où que vous soyez au Portugal, pour découvrir le monde de l’azulejo, entrez dans les église, dans les gares, dans les stations de métro, dans les entrées de cour, dans les parcs, flânez dans les villes et les plus petits villages, ayez un regard curieux et attentif et vous découvrirez l’art de l’azulejo.
Bonnes balades et belles découvertes !
Sources : L’art de l’azulejo ; 1994, document de l’exposition à l’espace Electra.
L’art de l’azulejo au Portugal, instituto Camoës
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