l'ordre d'AVIS au Portugal
L’ordre d’Avis
Le XIe siècle voit la confrontation entre deux religions issues d’un ancêtre commun mais aux sensibilités différentes : le christianisme et l’islam.
C’est dans le contexte des Croisades (1096-1270) qu’apparaît une figure centrale de l’esprit médiéval, promise à un bel avenir même après sa disparition : les ordres militaro-religieux. Ces « Miles Christi », ou chevaliers du Christ, avaient pour objectif initial de protéger les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte après la prise de Jérusalem par les Croisés en 1099. Le plus connu d’entre eux est, bien entendu, la milice des Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon (le fameux ordre du Temple).
Constitués en majorité de cavaliers appartenant à la noblesse, les ordres militaro-religieux devinrent, durant le Moyen Age, de puissantes institutions en accumulant de grandes richesses et de vastes territoires donnés en récompenses des services rendus.
Dans la péninsule ibérique, ces soldats du Christ jouèrent un rôle très important dans la Reconquête, initiée en 718, et destinée à chasser les Musulmans d’Espagne et du Portugal. A côté des ordres internationaux, tels ceux des Templiers ou des Hospitaliers, apparurent alors de nouvelles confréries dont l’action était davantage circonscrite à l’espace ibérique. Ce fut le cas des ordres de Calatrava, de Santiago et d’Avis.
Au Portugal, ce fut surtout au milieu du XIIe, avec la conquête des rives du Tage, que leur rôle ira croissant. En 1159, les Templiers reçurent en dotation la région de Tomar, où ils installèrent le siège de leur ordre. L’ordre de Santiago occupa la région d’Alcacer, Almada et Palmela avant de se fixer à Crato. L’ordre d’Avis, quant à lui, s’établit principalement dans l’Alentejo.
L’opinion selon laquelle l’ordre d’Avis trouverait son origine dans une communauté portugaise de chevaliers constituée aux alentours de 1147, et qui aurait été transformée en un ordre militaire avec l’appui du roi en 1162, est sujette à caution. Il ne faut sans doute y voir qu’un objectif patriotique ultérieur, visant à démontrer l’origine purement portugaise de la milice et prouver qu’elle était organisée bien avant l’ordre de Calatrava (créé en Espagne) auquel elle était, en réalité, subordonnée. Pour preuve, il n’est que de se rappeler le nom qu’elle portait encore en 1165, lors de la conquête de la ville d’Evora. Cette dernière fut dévolue à la milice d’Evora de l’ordre de Calatrava … qui n’est rien d’autre que l’ancienne dénomination de l’ordre d’Avis.
Plus sûrement, la création de l’ordre d’Avis résulte d’une mesure royale prise en 1175 ou en 1176, afin de garantir la défense du flanc sud-ouest du pays. L’ordre était soumis à la règle de saint Benoît, dont le nom restera associé à sa désignation. Les chevaliers portent l’habit blanc cistercien, avec la croix fleur-de-lysée verte au côté gauche sous laquelle sont représentés deux oiseaux (aves signifie oiseaux en portugais et sa prononciation est proche de celle d’Avis). Le premier grand-maître (c'est-à-dire le responsable) de l’ordre semble avoir été D. Pedro Alfonso, fils illégitime du roi D. Alfonso Henriques (1109-1185).
Aux environs de 1223-1224, le siège de la confrérie fut transféré à Avis. Il prendra alors le nom d’ordre d’Avis (ordem de Avis) ou d’ordre de Saint-Benoît d’Avis (ordem de Sao Bento de Avis).
Ce fut sous le règne de D. Dinis (1261-1325) que l’ordre d’Avis commença à gagner en autonomie face à celui de Calatrava. Les souverains s’immiscèrent alors dans la distribution des commanderies* et dans la répartition des postes entre les Frères. Ils s’arrogèrent également le droit de choisir des hommes de confiance pour la charge de grand-maître. Cette dernière tendance s’accentua avec l’élection au siège de grand-maître de D. Joao, fils illégitime du roi Pedro I. Cette élection eut, par la suite, une grande répercutions sur l’histoire du Portugal. En effet, à la mort du roi D. Fernando I et de la grave crise politique qui s’en suivit entre 1383 et 1385, D. Joao monta sur le trône et donna son nom à la dynastie qui allait régner sur le pays durant près de deux siècles.
L’ordre fut alors étroitement associé à la Couronne portugaise et le poste de grand-maître systématiquement réservé aux enfants des souverains, puis de l’héritier du trône et enfin, après la bulle Praeclara Clarissimi du pape Jules III (novembre 1551), aux rois eux-mêmes. De ce fait, et comme cela se produisit pour les autres confréries, ces pratiques conduisirent à une aristocratisation croissante de l’ordre et l’appartenance à la noblesse devint le seul critère pour en faire partie.
A partir du XVe siècle, l’accumulation de commanderies dans les mains de quelques-uns devint fréquente. On assista à des transmissions au sein d’une même famille, voire entre père et fils.
Dans le même temps, les obligations auxquelles les Frères devaient se soumettre s’allégèrent. Ils furent habilités à conserver leurs biens propres et non à les remettre à l’Odre à leur entrée, comme ce devait être la règle. Le pape Alexandre VI les libéra de leur obligation de chasteté et les autorisa même à pouvoir contracter mariage.
Dans la seconde moitié du XVe siècle, des tentatives eurent lieu pour réformer la milice et lui redonner un caractère plus conforme à sa vocation originelle.
A l’Epoque Moderne (1492-1789), l’ordre d’Avis est celui qui possède le moins de commanderies (48), mais ce sont celles qui rapportent le plus parmi les trois confréries rattachées à la Couronne. Par ailleurs, il se signale par les obligations les moins contraignantes, mais qui ne sont pas les plus respectées par les chevaliers.
Au fil du temps, l’ordre se trouva peu à peu confronté à la montée en puissance et au prestige de l’ordre du Christ. Il devint une distinction peu réclamée, sauf par certains hauts lignages qui, traditionnellement, préemptaient ses commanderies. Ainsi, au XVIIe siècle, on comptait, en moyenne, 114 nouveaux membres dans l’Ordre du Christ, 11 dans celui de Santiago, 6 dans celui d’Avis. Au XVIIIe, la proportion s’établit respectivement à 115, 8 et 0,2. Il y eut même des années où aucun nouveau chevalier n’intégra l’ordre d’Avis.
Cette situation motiva en partie la réforme entreprise par la reine D. Maria I qui visait à donner à chacun des ordres une vocation spécifique. La loi du 19 juin 1789 détermina ainsi que l’ordre de Saint Benoît d’Avis serait destiné à distinguer et récompenser les mérites militaires.
L’évolution de l’ordre d’Avis restera désormais associé aux forces armées. On assista à un accroissement du nombre de ses membres au fur et à mesure que s’établissaient la progression et la stabilisation des grades au sein de la hiérarchie militaire.
En 1910, avec l’avènement de la République, l’ordre royal militaire de saint Benoît d’Avis, ainsi que l’avait désigné le roi D. Carlos I dans sa réforme de l’ordre en 1894, fut supprimé.
Néanmoins, la nécessité de remercier les militaires qui avaient participé aux combats de la Première Guerre Mondiale entraîna son rétablissement en 1917 sous la dénomination qu’il a conservé jusqu’à aujourd’hui: celui d’ordre militaire d’Avis. Le décret de rétablissement en limite la concession aux seuls militaires, portugais ou étrangers.
L’ordre bénéficie, de nos jours, d’un grand prestige au sein de l’Armée. Il est parfois concédé à des personnalités étrangères, notamment au moment de visites d’Etat. En sont ainsi titulaires le mari de la reine d’Angleterre, le roi Harald V de Norvège, le prince de Galles, le roi Mohamed VI du Maroc et le roi Juan-Carlos d’Espagne.
L’ordre est divisé en cinq grades:
· Chevalier ou Dame
· Officier
· Commandeur
· Grand-officier
· Grand-croix
Quelques insignes de l’actuel ordre d’Avis
*Commanderie: bénéfice affecté à un ordre religieux et militaire qui désigne la base de l'organisation territoriale.
Sources :
As ordens religiosas militares – Fernanda OLIVAL et Luis Filipe OLIVEIRA
As ordens militares em Portugal – Luis Adao da Fonseca (coordination). Séminaire international pour l’étude des ordres militaires ; 2002.
Historia da ordem militar de Avis - Site de la Présidence de la République portugaise
Chancellerie des ordres honorifiques portugais
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