Le Charsalle

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Survie d'une utopie

Survie d'une utopie : les coopératives dans la région de l' Alentejo

 

Le Portugal, en quelques chiffres :

 10, 8 millions habitants

5 régions, Nord, Centre, Lisbonne, Alentejo, Algarve

18 districts

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB :

Agriculture 3,9 % du PIB, soit 15% de la population active

Industrie   24,6% du PIB

Services    72,7% du PIB

 

Contexte géographique 

« Situé au nord de l'Algarve, l'Alentejo couvre un tiers du territoire, c'est la plus grande région du Portugal. Ici, le paysage est différent du reste du pays : plaines verdoyantes semées de collines et de champs. Le climat est rude : glacial l'hiver et torride l'été. L'Alentejo est faiblement peuplé, car c'est une région de latifundia : immenses propriétés gérées par quelques agriculteurs puissants. Les cultures sont différentes selon le terrain, on y croise champs de céréales, oliviers, vignes… » (Le Routard)

Contexte historique

Dans les années 1970, on pouvait penser qu'il n'existait plus de régions d'Europe, à l'Ouest de la ligne tracée par le mur de Berlin, où les problèmes économiques et sociaux pouvaient trouver leur solution dans une réforme de la structure agraire. On pouvait même penser que le capitalisme avait su remodeler le système latifundiaire grâce à l'émigration, l'industrialisation et à la modernisation des grandes exploitations. Or ce n'était qu'une illusion et les tensions n'ont jamais cessé de croître dans ces régions entre la bourgeoisie agraire et ce qu'il faut bien appeler le prolétariat agricole. Les structures sociales, particulièrement déséquilibrées et clivées entre les grands propriétaires et les ouvriers agricoles, étaient particulièrement visibles dans la région de l'Alentejo.

Les événements qui ont suivi la révolution des œillets peuvent être considérés comme un des  faits majeurs vécus dans les sociétés rurales des dernières décennies.

Dans l'histoire de ces ouvriers agricoles, ravagés par le chômage, recevant des salaires dérisoires, vivant de manière  extrêmement précaire et contraints de travailler dans des conditions pénibles, qui ne possédaient pas de terre et louaient leurs bras, il est intéressant de noter qu'ils n'ont pas été seulement passifs mais qu'ils ont joué un  rôle important et ancien dans les luttes du mouvement ouvrier ; ils ont mis à l'ordre du jour le thème de la réforme agraire : en 1925, ils se sont prononcés dans un congrès de travailleurs ruraux pour « la socialisation intégrale et absolue » des terres et des moyens de production. Auparavant il y avait même eu un exemple d'occupations des terres, notamment en 1918, à Vale de Santiago, où on a proclamé la « collectivisation de la terre ». Ce projet a tourné court ; les forces républicaines et la déportation en Angola de quelques agriculteurs ont écrasé cette initiative.

Si l'on veut trouver une description de la misère de ces ouvriers agricoles, on peut se reporter au livre de José Saramago (1) publié en 1980, « Levantado do Châo », « relevé de terre»(éditions Points Seuil), autrement dit « debout, les damnés de la terre… », qui évoque bien la vie misérable des saisonniers seareios.

Révolution des oeillets

Dès le 25 avril 1974, des occupations de terre spontanées, soutenues par le PC, se sont déroulées dans les grands domaines de l'Alentejo. La loi confirme, elle exproprie les grands domaines supérieurs à 700 hectares en terres sèches ou à 50 hectares en terres irriguées.

On nationalise les domaines aménagés sur fonds publics et ceux possédés par de grandes banques. C'est de façon violente qu'on a exproprié les terres, destruction du matériel agricole, granges incendiées. En fait, c'est 20% de l'agriculture portugaise qui est ainsi expropriée et nationalisée et les 2/3 des terres alentejanes.

Ce sont des unions collectives de production qui ont alors administré ces terres. Il faut savoir que le mouvement coopératif est très ancien au Portugal et que même pendant la période de l'Estado Novo avec Salazar qui a suivi la Ière République (1910- 1933), elles ont même connu un essor particulier. Les structures coopératives - différents Conseils et Fédérations - très contrôlées par l'Etat, ont pourtant été encouragées contrairement à d'autres formes d'associations.

Cette politique de collectivisation en 1975 provoquera de grands affrontements politiques (et la peur des « minifundiaires » du Nord où se pratiquait le régime de la petite propriété)  jusqu'aux assouplissements de 1976 et aux corrections de 1977 et de 1980.

On a rendu les terres aux propriétaires ou ceux-ci, dans certains cas, ont accepté de les louer aux coopératives…

Entrée dans l'Union Européenne

Surtout, ce qui va tout changer c'est l'entrée du Portugal dans la CEE (2) en 1986. Le Portugal, considéré comme le « petit  poucet de l'Europe verte » va modifier ses structures coopératives en Unions et Fédérations diverses, va favoriser à travers le jeu des subventions la sélection des produits à protéger,  va intensifier sa production, tenter de la restructurer en favorisant le regroupement des unités, c'est une autre politique définie  par les gouvernements qui se succèdent.

Alors que reste-t-il de la Révolution des oeillets dans ce domaine ? (C'est le titre d'un article de l'Humanité en 1999) Si l'on considère la cinquantaine de coopératives  du district de Portalègre en 2009, il n'existe plus d'unions de production collective. Mais si la collectivisation des terres n'est pas à l'ordre du jour en Europe (et il n'y a pas forcément à le regretter !), on peut encore s'intéresser à l'esprit coopératif. Par exemple, dans la nouvelle organisation commune des marchés (OCM), applicable depuis le 1er Janvier 2008 dans le secteur des fruits et légumes, les changements auront pour effet d'encourager un plus grand nombre de producteurs à rejoindre les organisations de producteurs (OP), de mettre à la disposition des OP un plus large éventail d'instruments de gestion des crises, d'intégrer le secteur des fruits et légumes dans le régime de paiement unique, d'exiger un taux minimal de dépenses pour les mesures environnementales ainsi qu'un meilleur financement de la production biologique et de supprimer les aides à l'exportation pour le secteur concerné.

En tout état de cause, qui a vu le Portugal dans les années 70 et les années 80, ne peut que constater  l'élévation du niveau de vie des portugais et si le pays traverse aujourd'hui des difficultés - il est entré en récession depuis 2008 - il subit aussi  la crise comme ses voisins européens, avec d'ailleurs un niveau d'endettement public proche de celui la France. C'est avec eux qu'il en sortira – du moins on l'espère !

(1) son premier roman « Terra do pecado » paraît en 1947, « le Dieu manchot »  en 1982 lui a valu sa renommée, on peut aussi citer «L'année de la mort de Ricardo Reis » (1984) ; il a obtenu le Prix Nobel en 1998

(2) qui deviendra Union Européenne avec le traité de Maastricht en 1992

(3) Coopératives historiques dans le district de Portalègre en 2009

Concelho Montargil : Coopérative Força Nova30 personnes production d'huile et de tabac .Concelho d'AvizCoopérative du 29 Juillet :25 personnes production de blé, d'avoine et élevage de brebis. Concelho de Campo Maior : Coopérative Alentejo Livre5 personnes + 5 contractuelsproduction d'avoine, de blé, et élevage de bovins

 

 

Tableaux annexes :

- 1 - Secteur collectif en 1976

            Nombre et surface en hectares des UCP (unions de productions collective)                

  District                           Nb d'UCP                          surface en hectares par UCP          

                                                                                 Totale                 Moyenne

Beja

 

Castelo Branco

 

Evora

 

Lisbonne

 

Portalegre

 

Santarem

 

Setubal

 

Total

192

 

7

 

178

 

4

 

70

 

81

 

78

 

610

347238

 

10306

 

439449

 

4366

 

205998

 

79617

 

95762

 

1182736

1805,5

 

1472 3

 

2468 8

 

1091 5

 

2942,8

 

982,9

 

1227,7

 

1938, 9

 

 

- 2 – Situation en 2006

District

 

Aveiro

Beja

Braga

Bragança

Castelo Branco

Coimbra

Evora

Faro

Guarda

Leiria

Lisboa

Portalegre

Porto

Santarém

Setubal

Viana do Castelo

Vila Real

Viseu

Azores

Madeira

 

 

Total

 

 Nombre de Coopératives

 

36

42

23

38

80

38

53

58

38

50

49

48

32

114

36

17

27

61

46

12

 

 

 

898

 



13/04/2010
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